Guerres, indépendances, héros de la nation ou victimes de l’Histoire… Avec sa riche et longue histoire, la Tchéquie a beaucoup à commémorer. Ainsi, de nombreux mémoriaux ont vu le jour à Prague, notamment aux XIXè et XXè siècles. Voici les 10 lieux de mémoire à ne pas manquer pour comprendre l’histoire tchèque !

Le plus imposant : le mémorial de Vitkov

Perché sur la colline de Vitkov, ce monument a une histoire très complexe. À tel point qu’on ne sait plus vraiment ce qu’il commémore ! Originellement imaginé comme un monument à la gloire du général hussite Jan Zizka, il est finalement construit comme un mémorial des Légions Tchécoslovaques engagées en France pendant la Première Guerre Mondiale. Après la Seconde Guerre Mondiale, il accueille la tombe du soldat inconnu.Sous le communisme, il devient le mausolée de Klement Gottwald, premier président tchécoslovaque communiste.

Aujourd’hui, le Mémorial de Vitkov commémore un peu tout cela. La statue équestre de Zizka rappelle son but d’origine, l’exposition sur l’histoire contemporaine de la Tchécoslovaquie célèbre les héros des deux guerres mondiales, et le « Laboratoire du pouvoir » conserve le souvenir du totalitarisme et de la propagande communistes.

Un endroit fascinant !

Lieux de mémoire à Prague — Le plus discret : le mémorial de Jan Palach et Jan Zajic

Lieux de mémoire à Prague 
Mémorial de Jan Palach et Jan Zajic, Prague

À quelques mètres du Musée National, tout en haut de la Place Venceslas, une discrète croix est intégrée au pavage du trottoir. C’est l’endroit précis où, en 1969, Jan Palach s’immolait par le feu. Cet étudiant en lettres âgé de 20 ans a en effet marqué l’histoire tchèque du XXè siècle par son geste à la fois héroïque et désespéré destiné à dénoncer la main-mise de Moscou sur la Tchécoslovaquie, et l’indifférence des Tchèques à ce sujet.

Lieux de mémoire à Prague Commémorations à Prague, Place Venceslas

Cet événement a un impact considérable sur l’opinion publique. D’autres étudiants, dont Jan Zajic, décident de faire le même sacrifice. Les médias du monde entier s’emparent de ce sujet, et la population prend petit à petit conscience de ce que dénonçait Palach. Mais ce n’est que 20 ans plus tard que, sous l’impulsion notamment de Vaclav Havel, le régime communisme sera renversé à l’issue de la Révolution de Velours.

Jan Palach est aussi commémoré par une petite stèle aux pieds de la statue de Saint Venceslas, à quelques mètre de là, ainsi qu’à la faculté de Lettres, où il étudiait. Sa tombe, au cimetière d’Olsany, est ornée d’une statue réalisée par Olbram Zoubek, également à l’origine du mémorial aux victimes du communisme.

Le plus angoissant : le mémorial aux victimes du communisme

Lieux de mémoire à Prague Mémorial des victimes du communisme

Situé au pied de la colline de Petrin, dans le quartier de Mala Strana, ces sept personnages de bronze répartis sur les marches d’un escalier ont de quoi surprendre, ou même perturber ! Ces sept statues, qui représentent toujours la même personne, évoquent le déclin et la souffrance psychiques des prisonniers politiques sous le régime communiste. En effet, plus on monte le long des marches, plus l’homme de bronze est défiguré, vidé, détruit. Il disparaît peu à peu, anéanti par les souffrances infligées pendant sa détention.

Cet ensemble de statues, installé en 2002, dégage une ambiance lourde et sordide, qui permet véritablement de comprendre la réalité de ce qu’on vécu les prisonniers politiques sous le communisme.

Selon les chiffres inscrits sur les marches du mémorial, la période communiste a vu 205 486 personnes arrêtées, 170 938 contraintes à l’exil, 4 500 mortes en prison, 327 abattues en tentant de s’échapper, et 248 exécutées.

Lieux de mémoire à Prague — Le plus central : la statue monumentale de Jan Hus

Lieux de mémoire à Prague Mémorial Jan Hus Place de la Vieille Ville

Située sur la Place de la Vieille Ville, au cœur du centre historique de Prague, cette énorme statue à la mémoire du prédicateur et réformateur Jan Hus fait partie des statues que vous ne pouvez pas manquer si vous passez à Prague. Érigée au début du XXè siècle dans le plus pur style Art Nouveau, elle met en scène un prédicateur fier, presque conquérant, entouré des « Soldats de Dieu » qui se sont battus pour ses idées pendant les guerres de religion qui ont déchiré la Bohême au XVè siècle.

Si jan Hus n’avait nullement l’intention de faire sécession avec l’Église catholique, c’est pourtant bien ce qu’il s’est passé après sa mort en 1415. Ainsi, à la fin du XIXè siècle, Hus est devenu un symbole de l’identité nationale, par opposition à l’Autriche catholique.

L’édification de cette statue en 1915 n’est donc pas un hasard.

En effet, non seulement elle commémore les 500 ans de la mort du prêtre, mais elle rappelle aussi, en plein essor des idées nationalistes, la différence d’identité entre la Bohême et l’Empire Autro-hongrois à laquelle elle est toujours rattachée.

Une des inscriptions situées sur le socle ne laisse d’ailleurs aucun doute sur le message porté par cette œuvre : « Je crois qu’après que les tempêtes de rage seront passées, le contrôle de tes affaires te reviendra, Ô peuple tchèque ». Cela a le mérite d’être clair…et prophétique, puisque la Tchécoslovaquie obtiendra son indépendance quatre ans plus tard, à la fin de la Première Guerre Mondiale.

Lieux de mémoire à Prague — Le plus piétiné : le mémorial des 27 seigneurs tchèques

C’est un événement dont nous, Français, n’avons jamais entendu parler, mais qui, pour les Tchèques, a une importance toute particulière qui est commémoré dans ce surprenant mémorial. Dans le pavage de la Place de la Vieille Ville, ces 27 croix blanches rappellent l’exécution par le pouvoir autrichien de 27 seigneurs protestants, leaders du soulèvement tchèque contre les Habsbourg.

Né à la suite de la mort de Jan Hus, ce mouvement de révolte en Bohême a pris une ampleur qui déplaisait fortement à Vienne. Bien que la défaite de la Montagne Blanche, en 1620, y ait mis un coup d’arrêt sérieux, il fallait achever d’anéantir cette rébellion : l’empereur Ferdinand II ordonna donc la mise à mort des 27 principaux leaders de ce mouvement.

C’est ainsi qu’ils furent décapités le 21 juin 1621.

Ce mémorial n’a été créé qu’au début du XXè siècle, à une époque où les idées nationalistes et indépendantistes sont à leur apogée en Bohême. Rappeler les différends entre les deux pays par des mémoriaux était une façon de militer pour l’indépendance, et de nombreux mémoriaux ont vu le jour à cette époque, dans cette optique d’opposition à l’Empire.

Le plus ancien : la Colonne de la Peste

Mémorial ) Prague, colonne de la Peste, visite guidée en français

Suite à la terrible épidémie de peste qui a ravagé l’Europe Centrale à la fin du XVIIè siècle, les autorités décident d’ériger une colonne commémorative sur la place de Mala Strana, pour remercier Dieu d’avoir mis fin à ce fléau. Ainsi, entre 1713 et 1715, on voit sortir de terre ce mémorial, œuvre du grand architecte italien Alliprandi. Dédié à la Sainte Trinité, il est orné des statues baroques de la Vierge et des Saints patrons de la Bohême, comme Saint Venceslas, Sainte Ludmilla ou Saint Jean Népomucène.

De nombreuses colonnes similaires ont fleuri en Europe Centrale à cette époque : celles de Vienne et de Budapest en sont également de magnifiques exemples.

Lieux de mémoire à Prague — Le plus majestueux : Slavin, le Panthéon tchèque

Lieux de mémoire à Prague Slavin Panthéon tchèque

Dans les années 1880, alors que les idées nationalistes sont en plein essor en Bohême, naît l’idée de créer à Prague une tombe collective pour les grands personnages tchèques. L’architecte Wiehl (dont la maison se trouve Place Venceslas) est chargé du projet. La tombe est construite à la fin du XXè siècle au sein du cimetière de Vysehrad et les premières inhumations s’y déroulent dès 1901.

Le choix de Vysehrad n’est pas un hasard : il s’agit, selon la légende, du lieu de la fondation de Prague, qui a donc une forte valeur symbolique et identitaire.

Surplombée d’une allégorie du « Génie de la Patrie » se penchant vers le caveau, Slavin accueille les dépouilles de 56 personnes. La plupart sont des artistes, mais on y trouver aussi quelques scientifiques. Parmi eux, le peintre Alfons Mucha, les sculpteurs Myslbek et Saloun (qui a réalisé le mémorial à Jan Hus, mentionné plus haut), la chanteuse lyrique Ema Destinnova, ou encore l’architecte Josef Gocar. Certains de ces personnages feront l’objet d’un article sur ce blog.

Certaines inhumations ont fait l’objet de controverses. L’acteur Eduard Kohout, par exemple, y a été enterré contre sa volonté, et l’écrivain et journaliste Jan Neruda en a été retiré, selon ses dernières volontés, pour être inhumé à proximité, dans une sépulture individuelle.

Le plus récent : Un Cœur pour Vaclav Havel

Lieux de mémoire à Prague
 Un Coeur pour Vaclav Havel

Cette sculpture, œuvre de l’artiste Kurt Gebauer et inaugurée en 2016, a été créée en mémoire de Vaclav Havel, premier président de la Tchécoslovaquie après la chute du communisme.

Dramaturge et essayiste praguois, Havel avait commencé à lutter contre le pouvoir en place dès les années 70. Par la suite, il est devenu la figure emblématique de la dissidence tchèque, puis de la liberté retrouvée.

Son décès en décembre 2011 a suscité une forte émotion dans le pays. C’est donc 5 ans plus tard que la place située derrière le Théâtre National a été renommée en son honneur, et que ce cœur en granit de 160cm de hauteur a été installé.

Petite particularité de ce mémorial : les graffitis y sont autorisés. Ainsi, de nombreuses personnes viennent y inscrire des hommages à celui qui est considéré comme l’homme qui a fait tomber la dictature.

Lieux de mémoire à Prague — Le plus victorieux : le mémorial du 17 novembre

Cette plaque apposée sur une façade de l’Avenue Nationale commémore la chute du régime communiste. Après plusieurs décennies de dictature et de privation de liberté, les Tchécoslovaques descendent dans la rue pour se rebeller contre le régime en place.

Le 17 novembre 1989, une manifestation étudiante ouvre ce que l’on appellera la Révolution de Velours. Elle est violemment réprimée par la police du régime, mais elle marquera le début de ce mouvement pour la liberté.

Les mains de bronze qui jaillissent de cette plaque dessinent le V de la victoire, un signe emprunté à Churchill, mais qui deviendra, pour les Tchèques, celui de Vaclav Havel. Chaque année, le 17 novembre, les Praguois viennent commémorer ces événements en déposant fleurs et bougies devant cette plaque.

Pour beaucoup, ces événements ne sont pas de l’histoire, mais des souvenirs.

Le plus émouvant : le mémorial à Sir Nicholas Winton

Lieux de mémoire à Prague
Sir Nicholas Winton, enfants juifs, guerre

Sur le quai n°1 de la Gare Centrale, une statue représentant un homme accompagnant deux enfants et équipé d’une valise. Une allégorie du voyage en train ? Nullement. Cet homme, c’est Sir Nicholas Winton, un Britannique qui permit le sauvetage de plusieurs centaines d’enfants juifs, à l’aube de la Seconde Guerre Mondiale. Celui que l’on a surnommé le « Schindler britannique » a en effet organisé, en 1939, la fuite et l’accueil de 669 enfants en Angleterre et en Suède, les sauvant de la Shoah.

Pendant des années, cet énorme travail resta secret : nul ne savait ce qu’avait fait cet homme, jusqu’à ce que son épouse ne découvre, dans une pochette, la liste des noms de ces enfants, ainsi que des lettres de leurs parents. Nicholas Winton avait agi dans le secret et dans l’humilité pour sauver la vie d’enfants inconnus ; il a été récompensé de nombreuses décorations, et anobli par la Reine Elizabeth II en 2002 pour cet acte généreux.

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