Pont Charles, Place Charles, Université Charles, Rue Charles… Qui est donc ce Charles dont on voit le nom à tous les carrefours de la ville ? Est-ce toujours bien du même Charles qu’on parle ? Et c’est Charles qui ? Ne serait-ce pas Saint-Charles, plutôt, comme la gare de Marseille ? Autant de questions jusqu’ici sans réponses, et auxquelles je me propose de vous répondre ! Je commence par un petit spoiler : Charles, c’est un roi, et même un Empereur, qui a régné sur la Bohême et le Saint Empire Romain Germanique au XIVè siècle.

Les jeunes années d’un prince

Charles était le fils d’une princesse tchèque, Élisabeth de Bohême, et du prince Jean l’Aveugle du Luxembourg. Son père était également roi de Pologne et descendant par son père de Charlemagne et des rois de France. C’est donc entre la France, le Luxembourg et la Bohême que Charles va recevoir son éducation. Baptisé Venceslas à sa naissance en 1316, c’est pendant son séjour en France à la cour du roi Charles IV le Bel qu’il prend, lui aussi, le nom de Charles. C’est au cour de ces années passées à Paris qu’il rencontre son épouse, Blanche de Valois, cousine du roi, mais aussi qu’il étend son réseau politique. Il devient notamment proche de Pierre Roger, qui deviendra le Pape Clément VI.

Un Bohémien à Rome

En 1333, Charles arrive à Prague. Alors que son père Jean de Luxembourg avait largement délaissé la Bohême, Charles, lui, décide de s’installer à Prague et d’en faire sa capitale. La ville, à cette époque, n’est pas encore très développée, probablement à cause du désintérêt que lui portait le précédent roi. Le 11 juillet 1346, il est élu Roi des Romains par cinq princes électeurs, et avec l’appui de son ami le Pape Clément VI. Ce soutien de l’Église lui vaudra le surnom de Rex clericorum, roi du clergé.

Le roi est mort, vive l’Empereur !

Charles IV. Détail d’un retable médiéval, Couvent Sainte-Agnès de Prague.

Cette même année, le 16 août, son père Jean l’Aveugle meurt sur le champ de bataille de Crécy : Charles est couronné Roi de Bohême le 2 septembre de l’année suivant. Il devient également Comte de Luxembourg, titre qu’il abandonnera au profit de son demi-frère en 1353.

En 1355, il est couronné Empereur du Saint Empire, devenant ainsi l’homme le plus puissant d’Europe. Un an plus tard, il publie la célèbre Bulle d’Or, qui codifie les élections impériales du Saint Empire. Ce texte sera appliqué jusqu’en 1806, à la dissolution de l’Empire. La Bulle d’Or conduira Charles IV à un différend avec son ami Clément VI. En effet, elle prive la papauté d’un certain nombre de ses prérogatives quant au choix et au contrôle de l’Empereur. Mais ce conflit n’entamera pas durablement leur relation.

Charles, diplomate et dame marieuse

Également fin diplomate, Charles parvient toujours à ses fins, en particulier à travers le mariage de ses filles, avec, entre autres, le roi de Hongrie, le duc d’Autriche, ou encore le roi d’Angleterre. Toutes ces unions affermissent l’influence de l’Empereur, qui a lui même été marié et veuf à quatre reprises, avec des princesses européennes dont la demi-sœur du roi de France. Brillant négociateur dans l’Europe de cette époque ; il excelle à régler les conflits, et est souvent sollicité par ses contemporains pour arbitrer ou trouver des solutions aux différends qui opposent rois ou puissants seigneurs.

L’âge d’Or de la Bohême

C’est aujourd’hui ainsi que l’on se souvient du règne du grand Charles (le leur, pas le nôtre!) : une époque où Prague rayonnait par sa place politique, certes, mais aussi par la floraison de ses arts. Et c’est plutôt exact : Charles fut un grand mécène. Au cours de son règne, on voit affluer à Prague nombre des plus grands artistes de l’époque, particulièrement lors de la reconstruction de la cathédrale Saint Guy dans le style gothique, à partir de 1344. Deux architectes de grand renom se succèdent sur le chantier : le Français Mathieu d’Arras puis l’Allemand Petr Parler.

Charles le bâtisseur

Charles IV est également le fondateur, en 1348, de l’Université Charles, la première d’Europe centrale, qui donne à Prague le prestige d’une ville d’intellectuels.

Cette même année, le 8 avril, il lance le chantier de la Nouvelle Ville de Prague. Cette extension de la ville en double la surface, autour des grandes places que sont aujourd’hui la Place Charles (qui est restée la plus grande place du monde pendant de nombreux siècles), la Place Venceslas, et la place Senovážné. Ces grandes places étaient à l’époque des lieux de commerce, qui accueillaient de grands marchés agricoles. Charles IV était un homme très superstitieux, qui consultait de nombreux numérologues et astrologues. On raconte que l’un d’eux lui prédit un jour que Prague serait rasée par une inondation et un incendie. C’est à partir de cette prophétie, heureusement inaccomplie, que le roi décida la construction de la Nouvelle Ville, pour que Prague perdure malgré la disparition de la Vieille Ville et de Mala Strana.

La même année débute la construction de la forteresse de Karlstejn, au Sud de Prague, dont les fresques sont de nos jours un précieux témoignage artistique de l’époque.

En 1357, c’est l’Empereur lui-même qui pose la première pierre du célébrissime Pont Charles, ce monument emblématique de la ville dont je vous parle plus en détails dans cet article.

Un roi mythique et parfois fantasmé

Bref, vous le constatez comme moi (qui apprends énormément de choses en écrivant cet article!), ce cher Charles est un homme complet, doté de nombreuses qualités ! Néanmoins, s’il est passé à la postérité comme un homme proche de son peuple, il semble que cela ne soit pas la réalité historique : en bon prince de son temps, il n’avait pas l’habitude de se mêler à la tourbe, et préférait rester dans ses palais. Cela ne l’a pas empêché d’apporter beauté et prospérité à sa ville, et c’est grâce à lui que nous profitons aujourd’hui d’un certain nombre de merveilles !

Si vous souhaitez en savoir plus sur la Prague de Charles IV, le Musée de la Ville de Prague propose une exposition qui retrace les grands chantier menés par l’Empereur au cours de son règne. On y trouve entre autres choses une impressionnante maquette de la ville à l’époque médiévale, qui réjouira grands et petits ! Les tarifs du musée sont accessibles : 180czk par adulte (soit environ 7€) et 80 czk par enfant (soit environ 3€).

Author