Vaclav Havel fait figure, dans l’Histoire tchèque, de chevalier des temps modernes. Sans cheval ni épée, mais avec une machine à écrire et une répartie redoutable. Dramaturge, dissident, président, il a traversé le XXe siècle tchèque en gardant les mains propres et l’esprit libre.
Un enfant (trop) bien né
Havel voit le jour à Prague en 1936 dans une famille aussi riche que cultivée. Son père est un promoteur immobilier influent, son oncle possède le Lucerna (le plus célèbre passage de la Nouvelle Ville, qui accueille l’une des œuvres de David Cerny), et les Havel passent leurs étés dans une villa de rêve. Bref, on est loin du prolétaire modèle.

Évidemment, après le coup d’État communiste de 1948, tout ça ne passe pas très bien. Les bourgeois, c’est suspect. Vaclav n’a pas le droit de faire les études qu’il veut (la philo, par exemple, c’est bien trop dangereux…Imaginez qu’il se mette à réfléchir !! ), alors il bricole : il travaille dans les labos de chimie, puis entre dans le monde du théâtre comme technicien. Et c’est là que tout commence.
Des pièces qui grattent

Dans les années 60, Havel écrit des pièces absurdes, pleines d’humour sec et de sous-entendus politiques. Il y dénonce, sans jamais nommer, l’absurdité du régime. Ça fait rire… mais pas tout le monde ! Après l’invasion soviétique de 1968, ses œuvres sont interdites. Il devient persona non grata et ennemi public, mais il continue d’écrire.
Il sera surveillé, fiché, arrêté, emprisonné. Pas franchement la vie d’artiste bohème qu’on imagine à Prague, mais il tient bon, et ne fait jamais de compromis sur ses idées et son engagement.
Résistant malgré lui
En 1977, il co-rédige la Charte 77, un texte qui demande simplement au régime de respecter les droits de l’homme. Pas de révolution en vue, juste un rappel du bon sens. Résultat : harcèlement, prison, isolement. Le combo classique, en somme.

Havel devient une figure de la dissidence, mais toujours dans l’humilité, avec calme, humour et une plume acérée. Il dénonce l’injustice et l’absurde du régime communiste tchécoslovaque avec fermeté mais subtilité, et s’impose malgré lui comme la tête de la dissidence.
La révolution sans coup de feu

Novembre 1989 : les étudiants manifestent, le peuple suit, le totalitarisme s’effondre. Je la fais très très brève ! Et devinez qui on vient chercher pour représenter ce mouvement pacifique ? Le type le plus intègre, mais aussi le plus perché, le plus improbable de tous : Vaclav Havel.

Le 29 décembre 1989, il devient président de la Tchécoslovaquie. La scène est historique : un ancien prisonnier politique devient chef de l’État… sans coup d’État, sans armes, sans vengeance. Iconiquement Havel, j’ai envie de dire.
Un président qui détonne
Havel au Château (aka l’Elysée local), c’est un peu comme si on nommait un poète ministre des Finances. Il reçoit Mick Jagger, écrit encore des essais politiques, reste allergique au protocole. Mon oncle, qui commandait à cette époque la Garde du château (équivalent tchèque de la Garde républicaine en France), m’a raconté qu’il a fait attendre la reine Elizabeth II ! Occupé à déambuler dans les salons du château de Prague pour vérifier que tout était prêt pour accueillir Sa Gracieuse Majesté, il n’a pas vu le temps passer, et la reine patientait dans sa voiture…
Mais Havel incarne surtout une autre manière de faire de la politique : honnête, lucide, et sans langue de bois. Et toujours dans son inénarrable veste de velours !

Il reste président jusqu’en 2003 (de la Tchécoslovaquie, puis de la République tchèque après la séparation en 1993). Et part comme il est venu : avec discrétion.
Il s’éteint en 2011. Le pays est en deuil, et plus largement, le monde entier. Parce que Vaclav Havel représentait bien plus que son pays : il était un symbole de justice, de droiture, d’intégrité. Un homme d’État comme on en voit peu et comme il en faudrait plus !

Olga et Dagmar, les deux premières dames de sa vie
Derrière Havel se cachent… deux femmes formidables !

D’abord Olga, sa première épouse. Pas vraiment mondaine, pas du tout fashion, mais solide, fiable, inébranlable. Elle a connu les perquisitions, les filatures, les longues années où Vaclav écrivait ses pièces depuis une cellule. C’est elle qui le soutient, qui garde la tête froide quand lui commence à douter. Pas très bavarde, mais redoutablement lucide. Une complice, une partenaire, une alliée de tous les jours. Quand elle meurt en 1996, c’est un vide immense – pour lui, pour Prague, et pour tout le pays.

Puis arrive Dagmar, actrice célèbre, blonde, drôle, populaire. Une autre ambiance. Ils se marient en 1997, et tout le monde se demande si le président philosophe va matcher pour de bon avec une star de télé. Spoiler alert: oui ! Ils s’installent ensemble dans une villa proche du château, et Dagmar devient un vrai soutien dans les années plus douces. Elle est là jusqu’au bout, et même après, en faisant vivre la fondation philanthropique fondée avec son mari.
Où croiser Vaclav Havel à Prague ?

- À l’aéroport, rebaptisé Vaclav Havel en 2012.
- Sur la place Vaclav Havel, entre le Théâtre national et Nova Scena : une œuvre d’art baptisée « Un cœur pour Vaclav Havel » a été installée en mémoire du dissident-président.
- Au Café Slavia, son QG d’écrivain, juste en face du Théâtre national. C’est là que Vaclav Havel s’installait pour écrire ou pour débattre, et qu’il a rencontré son épouse
- Au Château de Prague, évidemment !
Toujours vivant (ou presque)
Havel aura été plus qu’un homme politique. Encore aujourd’hui, c’est une voix. Une manière de penser le monde sans cynisme. Une preuve que la politique peut rimer avec éthique (et même poésie). Un encouragement à développer un esprit libre.
« La vérité et l’amour doivent l’emporter sur le mensonge et la haine.»
— Vaclav Havel