La bataille de la Montagne Blanche a eu lieu à Prague-même : quelques stations de tram et vous voilà sur un champ de bataille. Aujourd’hui, c’est un quartier tranquille, un peu excentré, avec des petits parcs et un monastère paisible. Mais en 1620, c’est là que le destin de la Bohême a basculé. Je vous raconte !
Petite bataille, grosses conséquences
La bataille de la Montagne Blanche ne fut pas très longue.Deux heures à tout casser, un dimanche de novembre. Mais son impact a été énorme pour la Bohême et pour l’Europe. Elle est la toute première bataille d’importance de la Guerre de Trente Ans et surtout, la fin d’un rêve : celui d’une Bohême protestante, indépendante et un brin rebelle.
Mais que s’est-il passé à la bataille de la Montagne Blanche ?
Au départ, une histoire de foi et de pouvoir. Classique. Les nobles protestants de Bohême, méfiants face à l’empereur catholique Habsbourg, finissent par se rebeller. En 1618, ils font malencontreusement tomber (oups) deux gouverneurs impériaux par la fenêtre du château de Prague. En vrai, c’était pas malencontreux du tout : c’est la Deuxième Défenestration de Prague. Et ça dégénère.
La Bohême proclame un nouveau roi, Frédéric V du Palatinat (surnommé le « roi d’un hiver »), et se prépare à se défendre. Problème : l’armée protestante est mal organisée, divisée, et se retrouve vite à court de soutien. En face, les troupes catholiques de l’empereur, bien encadrées, foncent vers Prague. Et le 8 novembre 1620, c’est la débandade. L’armée tchèque est écrasée, laminée, piétinée par l’armée impériale. La Guerre de Trente Ans n’aura duré ici que deux ans.
Frédéric V du Palatinat, Gerrit van Honthorst — Source : Wikipedia, Domaine public.
Et après ?
Le roi s’enfuit, les chefs de la révolte sont capturés. En 1621, 27 d’entre eux sont exécutés sur la place de la Vieille Ville. Un mémorial leur est d’ailleurs dédié à l’endroit-même de leur mort. Le message est clair : la Bohême doit rentrer dans le rang.
S’ensuit une longue période de répression, de recatholicisation forcée, et de centralisation du pouvoir aux mains des Habsbourg. Le tchèque recule, la noblesse protestante est remplacée par des aristocrates allemands fidèles à Vienne, et Prague perd peu à peu son statut de capitale rayonnante.
Pourquoi la bataille de la Montagne Blanche est-elle si importante ?
Parce qu’elle est le point de départ de trois siècles de domination autrichienne, d’une certaine façon. Pour les Tchèques, c’est longtemps resté un traumatisme collectif, un moment de « grande nuit » nationale. (D’ailleurs, c’est toujours un peu le cas!). Il faudra attendre le XIXe siècle pour que le sentiment national tchèque se réveille vraiment (notamment à travers les arts et en particulier la musique!).
Et aujourd’hui ?
Sur place, un petit monument discret rappelle la bataille. Le monastère voisin, le couvent de Bila Hora, est une endroit paisible, propice à la balade, loin des foules. Ironiquement, l’église s’appelle « Notre-Dame de la victoire ». Ne vous demandez pas qui a choisi le nom, c’était clairement pas un Tchèque !
Je ne sais pas si nous avons, en France, une bataille aussi importante dans notre Histoire. Une de celles qui laissent une marque même des siècles après. Quoi qu’il en soit, cette date est gravée dans la mémoire des Tchèques.
Je ne peux que vous conseiller d’aller faire un tour sur cet ancien champ de bataille, et surtout de découvrir le monastère. Un lieu de paix là où le sang à coulé : un beau symbole, finalement !
